Histoire en 12 épisodes : De juin 2011 à juin 2012

Auteure : Geneviève Paris
Le plus que grand

Qu'est-ce que je disais? Ah oui, je disais que le hasard n’est en fait qu’une conséquence. Et les coïncidences alors? Il me semble qu'il y en a pas mal plus que d'habitude en ce moment. Ou alors je les remarque plus que d'habitude.

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Au bureau | Photo : Monique de St. Croix

Tout a commencé à la fin du siècle dernier. J'étais tranquille dans mon bureau. Je programmais sans doute un petit quelque chose, vu que j'y travaillais à cette époque, et que, quand je travaille sur quelque chose qui me plait, je ne fais que ça. C'est ce que m'expliquait mon copain Michael. Apparemment, je souffre d'une forme bénigne de TOC - Trouble Obsessif Compulsif. Il est toubib, il sait de quoi il parle. Bon, rien de cliniquement grave. Juste assez pour être capable de travailler 12 h par jour sans fatiguer. Je n'ai pas les mauvais côtés du trouble, tels se laver les mains quinze fois par jour ou tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler. Il m'expliquait l'autre jour que c'est à cause, ou plutôt grâce à ce trouble, que j'ai fait les huit années de Conservatoire en trois ans et que je suis devenue consultante en programmation après 2 ans de travail acharné. Je me sers donc de ce trouble pour gagner du temps sur ma vie.

Je ne sais pas si c'est ça, si je souffre vraiment d'un trouble, mais quand j'aime, j'aime vraiment, complètement, démesurément. Et ça, c'est se mettre en constant danger.

Revenons en 1999. Je suis à mon bureau et soudain, je me lève en panique. Elle est là. À mes côtés, même si je suis seule dans la pièce. Et non seulement je ressens sa présence, mais en plus je ressens sa détresse. C'est vraiment soudain et vraiment troublant, en partie parce que j'étais absorbée dans un travail mathématique qui ne favorise pas vraiment les expériences extra-sensorielles.

Quand j'aime, je me perds. Je suis habituée à ça. Parce que quand j'écris, je me perds aussi. Cela arrive lorsque tu deviens un maillon dans une chaîne. Quand tu es une partie d'un tout pas mal plus grand que toi. Je ressens toutes les connexions. Et ce jour-là, la connexion était indéniable. Ça m'a littéralement bouleversée. Je précise ici, je ne crois en rien d'extra-ceci ou de para-cela, je suis une grande sceptique. La raison principale de ce scepticisme est que je m'estime bien trop petite pour appréhender le plus que grand.

C'est aussi à cette époque qu'ont commencé les rêves. En août de cette année-là, j'ai aussi décidé de ne plus consommer d'alcool. J'avais trop tendance à vouloir noyer mon chagrin. Il finit par apprendre à nager, le chagrin, vous voyez? Alors je devais trouver un autre moyen. De toute façon, à cette époque, je savais que je devais avoir toute ma lucidité. Je m'apprêtais alors à changer de carrière. En plus j'aime beaucoup conduire, maintenant je suis le chauffeur attitré dans les fêtes, et ne me dites pas qu'on doit dire chauffeuse, causeuse d'accord mais pas chauffeuse, y a des limites. Ah bon on dit chauffeuse? pas de problème je trouverai un autre mot, conductrice me plait bien, et ce dans tous les sens du terme, je conduis et je transmets.

Les coïncidences. Deux bons amis musiciens qui ne se connaissent pas et que je n'ai pas vus depuis au moins 10 ans m'envoient tous deux un message la semaine où je reprends l'écriture de chansons. Ils pensaient à moi, tout simplement. Une amie que je n'ai pas vue depuis 25 ans m'envoie un mot de sa campagne, à environ une heure de route de Montréal, et on se croise dans une épicerie montréalaise le soir même. En plus, je trouve ça parfaitement normal et naturel, et c'est comme ça depuis juin, je ne m'étonne plus de rien.

Dimanche dernier, il m'est arrivé quelque chose d'étrange. Je travaillais sur un texte récalcitrant - je sais maintenant que j'essayais de couper la pièce du puzzle pour qu'elle rentre, perte de temps - lorsque soudain, une chanson frappe à ma porte. Elle déclare qu'elle est finie, couplets, refrain, elle sait même qu'elle sera en La majeur. Elle me demande si elle peut se faire écrire maintenant, si ça ne dérange pas l'autre sur laquelle je travaille. Mes chansons sont polies! Je dis oui et ça commence. Une fois écrite, je la relis. Je suis très étonnée. Je ne savais pas que je pensais ça. Il est question d'un enfant que je n'ai pas eu. Je me rends compte que même si je n'ai pas écrit pendant des années, j'ai vécu et mon écriture a continué d'évoluer en parallèle.

Bon je file. Sylvie Tremblay - mon amie qui est venue à Montréal pour m'aider dans ce cheminement, entre autres - m'attend pour une répétition à Verdun. Elle m'a invité à chanter sur son spectacle avec Monique Fauteux au Gésu de Montréal. J'ai bien hâte de chanter mes petites dernières. C'est sur scène que les chansons s'incarnent. Et je suis prête à renaitre avec elles.

 

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