Histoire en 12 épisodes : De juin 2011 à juin 2012
Montréal, fin août 2011. Je suis de retour de mon road trip depuis deux semaines. Les problèmes qu'on laisse derrière soi quand on part ne partent pas, eux. Ils attendent ton retour.
J'ai une amie qui cherche pour moi un producteur pour financer l'album. Pas de nouvelles, rien, aucun retour d'appel, ou pour les plus polis, un refus catégorique. Bref, cette avenue commence à ressembler à un cul-de-sac. Mon amie est surprise, elle ne s'attendait pas à ça. Moi, pas. Je sais ce qu'il me reste à faire. Quelques téléphones à mon banquier, notaire, comptable et autres rendez-vous du genre. Si je sors tout, je pourrai y arriver.
Il est vrai aussi que c'est un sacré avantage d'avoir le contrôle complet sur la production. Quand la rentabilité est un critère, l'artistique s'en ressent. Si je produis, je ferai le disque que je veux, pas celui que je peux. Quant aux risques... J'avais lu, je ne sais plus où, cette idée que je trouvais bien vraie : quand tu feras le bilan de ta vie plus tard, te souviendras-tu du montant que tu as amassé dans ton compte épargne ou de tes belles folies?
Marc Pérusse est venu prendre un café à la maison ce matin. On ne s'était vu depuis longtemps, mais comme avec certains amis, c'est comme si on s'était vu la veille. Le fil n'a pas été coupé. Et comme d'habitude, on se comprend au quart de tour. Notre conversation :
G - S'lut! On va faire un disque.
M - C'est une bonne idée!
G - Je suis guitariste et je l'assume.
M - (Gros sourire) Sans blague! Donc, basse, batterie...
G - ... toi et un autre guitariste?
M - Sylvain, oui, Justin et Dan.
G - Pas d'arrangements.
M - OK, on joue tous ensemble...
G - ...comme un groupe.
M - Oui, comme un band! Je te reviens avec les dates.
G - Combien de sucres dans ton café? »
On va donc aborder l'enregistrement comme j'ai abordé l'écriture. Aucun exercice de style. Pas dans l'urgence, pas automatique, juste inspiré. La seule préparation étant de se mettre dans cet état magique ou l'inspiration vient naturellement. Ça a l'air simple dit comme ça, mais ça prend souvent des années avant d'être capable de faire « simple ». Et ça prend une sacrée dose de compréhension du processus pour être capable de l'oublier.
Je suis revenue de Gaspésie avec pas mal de chansons, ça et quelques idées jetées en vrac sur le cahier acheté en voyage. Les choses sont très claires maintenant. J'ai aussi un but précis : récupérer toutes ces parties de moi que j'avais délaissées. Reprendre la musique, quoique je ne l’aie jamais vraiment délaissée — elle vit en moi —, mais surtout reprendre l'écriture. Si le showbiz n’a pas l'air chaud à l'idée de mon retour, d’autres sont ravis par contre.
Pendant des années, j’ai reçu des messages de gens que je ne connaissais pas, mais à qui, apparemment je manquais. Il y a eu aussi ce spectacle pour les 20 ans de l’émission À propos, celle de mon ami Jim Corcoran sur CBC. J'ai eu une ovation debout en entrant sur scène, j'ai reçu énormément d'amour ce jour-là.
Je lui parlais l'autre jour, Jim sait qu'il est pour quelque chose dans mon retour à la chanson et il me regarde avec un grand sourire conspirateur! Je ne serais peut-être pas revenue à la chanson si je ne m'étais pas sentie désirée, attendue. J'ai un but et il est très beau!
Autre chose,
Il y a toutes sortes de gens, et toutes sortes de plans de vie. Certains sont guidés par la peur et recherchent la stabilité, la sécurité à tout prix, feront des compromis dangereux pour une paye régulière, une vie régulière. D'autres sont guidés par l'ambition et marcheront sans problème sur la tête des autres pour grimper l'échelle de la réussite. D'autres sont guidés par les jeux de miroirs que la société leur envoie : la jeunesse, la beauté plastique, la minceur, etc. Que tu sois un adolescent ou un notable homosexuel dans un petit village où tout le monde se connait ou presque et que tu te caches par peur d'être rejeté du clan, que tu recherches la reconnaissance, la sécurité ou l'approbation, ta vie est définie par le regard des autres. Il est très difficile de se définir par rapport à notre échelle de valeurs. Il est très difficile d'avoir une échelle de valeur différente de celle que la société nous propose. Bref, il est très difficile de rester soi-même. J'ai lu ceci il y a quelques mois dans une revue : « Rester toi-même dans un monde qui essaie constamment de faire de toi quelqu'un d'autre est le plus grand accomplissement. » J'abonde dans ce sens.
Je suis guidée, je pense, par une vision romantique de la vie.
Je ne recherche pas le bonheur. Je cherche à accéder au foutu 90 % de mes capacités intellectuelles dont mon cerveau dispose et auquel (le 90 %) je n'ai pas accès. Je cherche à m'élever un peu au-dessus du niveau de la mer. Je préfère le beau geste au geste normal ou banal. Je recherche le spectaculaire, c'est vrai, appelons ça une déformation professionnelle. Je recherche l'authenticité, je respecte et j'entretiens mon unicité. Plus mon approche sera unique et originale, plus ancré et plus fort sera mon message. Je cherche aussi où j'ai bien pu mettre mes clés, mais ça, c'est un autre dossier…
Encore autre chose,
Tu apprends des choses formidables quand tu apprends à programmer.
En fait, tu découvres un autre angle de vue sur les choses. Par exemple, tu apprends que le hasard est une équation, une formule très organisée, avec des variables et avec des résultats quantifiables. Rien à voir avec le chaos, le destin et autres nébuleuses. La phrase « je l'ai rencontré par hasard » prend une tout autre tournure. Le programmeur (ou la programmeuse) se demande quelle est la valeur statistique de cette rencontre. Habitez-vous dans la même ville? Vous connaissez-vous? À quelle fréquence vous promenez-vous dans ce quartier?
Bref tu apprends que le hasard n’est en fait … qu’une conséquence!
