Histoire en 12 épisodes : De juin 2011 à juin 2012
On est en juillet 2011. Il fait chaud à Montréal en juillet. J'étouffe. J'ai un vague souvenir de ce cours de géo où l’on nous expliquait le climat continental. En gros, deux saisons : chaud l'été et froid l'hiver. Moi, je viens des terres du milieu. Chez nous, c'est tempéré, en tout cas pour ce qui est du climat, ça l'est. Le climat n'exagère pas comme il le fait ici, il sait se tenir.
Bon, moi, il faut que je quitte Montréal, et ça presse. Tout est tellement exacerbé en ce moment, j'ai vraiment un sentiment très fort que je suis en train de sauver ma peau, ça sonne exagéré, je sais, c'est sans doute le climat qui déteint sur mes humeurs. OK, road trip!
Un des trucs qui me manque beaucoup de mon ancien métier, c'est clair, c'est la route. Les chanteurs ont vraiment un côté commis-voyageur. Je ne m'en rendais pas compte, mais trois mois sur douze je n'étais pas en ville. J'étais quelque part en Gaspésie ou ailleurs au Lac-Saint-Jean. Je me pensais citadine, béton et CO2 et là, à la seule pensée d'un arbre, j'ai les larmes aux yeux. Je fais le plein, je mets la guitare dans le coffre et je prends la première autoroute qui se présente. Un sentiment très agréable de liberté s'installe tranquillement. Plus j'aligne les bornes et mieux je respire...
Je ne vous dis pas tout. Pas par timidité ou par réserve, regardez, même à moi-même je ne dis pas tout, alors! Disons que je n'étouffe pas uniquement à cause de la température. Il y a autre chose, j'y reviendrai plus tard. Maintenant, je roule. Et mes pensées aussi. J'attends la phrase qui reviendra. Je laisse mes pensées divaguer, je ne cherche pas, j'attends.
J'attends la phrase qui reviendra. Ça a toujours été ma façon d'écrire des chansons. Des phrases s'accrochent à moi. Pas obligé de les comprendre tout de suite et, surtout, pas obligé de développer.
Une couleur s'installe, un sentiment précis, puis une phrase arrive, je suis en train d'écrire. Je passe Québec, je continue vers la Gaspésie. Je veux sentir l'eau salée. Passé Trois-Pistoles, j'arrive à Saint-Jean-Port-Joli. Ça le fera. Je trouve une auberge face au fleuve. Et je commence.
La phrase s'accroche. OK, donc il y a quelque chose là. J'ai la mélodie et ce bloc du texte déjà, et l'une soutient l'un qui soutient l'autre. À partir de là, il me reste simplement à écrire jusqu'au point final. Enlever le superflu jusqu'à ce qu'il ne reste plus que ce que tu ne peux pas enlever. Pourquoi je chante encore, c'est de cela que je parle. J'aimerais bien le savoir. J'espère que mon département à l'écriture va échapper quelque chose.
Depuis qu'Hélène Pednault a trouvé ce parallèle entre ma vie et mes textes, je suis toujours un peu à l'affût des phrases que j'échappe. En travaillant à la préface du bouquin de mes textes Dessine-moi une chanson, elle a fait l'exercice suivant : elle a placé ma bio à droite et mes textes à gauche. Et elle s’est aperçue que mes textes précédaient ma bio à plus ou moins un an d'écart. Si tu veux tout savoir, ou mieux me connaître... Justement.
