La Cigale et la Fourmi

Auteure : Sylvie Tremblay

Il y a quelques jours, j'étais chez mon amie Cécile, femme informée s'il en est une, qui me demanda ce que je pensais des débats concernant les élections. J'ai dû faire une moue pas très convaincante. Elle m'a dit : « Que voudrais-tu qu'ils fassent pour les artistes? »


Sylvie Tremblay et son frère McLeod Tremblay.
Photo : Véro Boncompagni

Je me suis entendue dire rapidement sans y penser… « On devrait assurer à tous les artistes, après un certain temps (disons 25 ans) de bons et loyaux services, une pension de 25 000 $ par année, ce qui leur permettrait de se loger, de communiquer et d'avoir le loisir de produire des spectacles ou des toiles, des livres, des disques ou des chorégraphies, de participer à des campagnes de financement pour des causes charitables, de transmettre leur expérience en enseignant aux plus jeunes. Bref, ne serait-ce que (j'ai baissé ma pension) 10 000 $, et ce, sans imposition. »

Mon amie Cécile est, comment dire, plutôt vindicative. Mes arguments n'étaient pas de taille à en juger par son air dubitatif. Je parlais de Claude Léveillé, de Gilles Carle et de mon amie Hélène Pedneault, auteure de la pièce La Déposition jouée et traduite partout dans le monde et pour qui les amis ont réalisé un spectacle-bénéfice alors qu'elle était très malade. Les fonds amassés lui ont permis de vivre les derniers moments de sa vie sans être obligée de travailler. Je lui parlais aussi de tous les artistes que je connais qui n'ont pas assez d'argent pour vivre décemment en travaillant leur art, car la nature même du travail de l'artiste exige que nous prenions un temps d'arrêt pour écrire, composer, peindre, etc. Ce temps n'est pas rémunéré et un de nos créanciers, pour ne pas le nommer le gouvernement, ne tient pas compte de cette réalité.

À cinq ans, je connaissais la fable de La Fontaine La Cigale et la Fourmi par cœur. J'en comprenais déjà le sens et j'avais de la peine pour la cigale. Ma tante Yvonne a bien essayé de me faire changer d'idée quand je lui fis part de mon désir de chanter. « Oui, mais comment vas-tu gagner ta vie? », m'a-t-elle lancée. Mon ami Réal, à qui je dois beaucoup aussi, m'incitait à engranger. Je pourrais avoir ma maison aujourd'hui si je l'avais écouté, mais je n'aurais jamais pu produire tous les spectacles que j'ai faits.

Pour revenir à notre pension, je sais que c'est un vœu sans grande chance de réalisation, mais quand j'entends des amis artistes doués et découragés, je me dis que ce serait vraiment bien. Et là, on pourrait en faire des spectacles-bénéfices et remettre notre cachet pour la cause.

La vie va quand même bien. Je suis débrouillarde et je peux m'exprimer, c'est déjà ça! Je fais des spectacles encore et avec des gens que j'aime. Oui, il y a certaines fins de mois où la famille est plus qu'importante, je souris et je dis merci. C'est le prix du choix. Quand je suis partie à la fin de la soirée, Cécile, m'a dit.. reviens mon amie. Bien sûr ma belle amie, cinquante ans d'amitié entre une cigale et une fourmi ça n'a pas de prix!

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