Histoire en 12 épisodes : De juin 2011 à juin 2012
Janvier 2012 - Depuis quelques semaines, j'ai repris du poil de la bête, et par le fait même, de la plume de l'encrier. Adaptation libre de l'expression. Un routier reprendra du kilomètre de la route. Il me manque une chanson pour clore « 7 », alors ce retour de plume est bienvenu. J'ai comme un début de chanson qui s'accroche depuis quelques semaines, et ce bien malgré moi, je dois dire. Vous connaissez ce sentiment, quand on a une chanson dans la tête, et bien imaginez ce qu'une auteure vit quand il s'agit de sa propre création et de deux lignes qui tournent en boucle « Il est où l'amour, celui qui rime avec au secours, lalala... ». J'ai bien essayé de développer, mais cette chanson minaude - littéralement.
Il est des chansons comme des gens. Chaque chanson a son propre caractère. Il y en a de très discrètes, il y en a de très généreuses, et il y en a certaines tout à fait insupportables. Celle-ci fait partie de la dernière catégorie. Genre : « oh je n'sais pas moi, je ne suis qu'une chanson (sic), et pas finie en plus... Non, pas ce couplet, c'est trop sérieux, et non, pas celui-là non plus, c'est trop léger, et je ne sais même pas si on ne devrait pas changer le refrain au complet... etc. » Je pense à Gandhi avec admiration.
Ce début de chanson est né à Trois-Rivières, pendant un test de son au Zénob, en préparation du petit spectacle donné pour l'anniversaire de Réjean Bonenfant. Je n'ai pas fait cas de ces quelques lignes, je les aurais oubliées si elles ne s'étaient pas accrochées. « S'il-te-plaît, écris-nous! » J'aurais dû m'en douter.
Je pars visiter ma famille à Paris demain. Marc Pérusse, lui, part au Mexique, et tout de suite en revenant, on entre en studio pour enregistrer ce nouvel album. On a rien préparé vraiment, J'ai confiance en Marc et je sais ce que j'ai à faire, c'était très clair depuis le début. Me concentrer sur l'écriture des textes et c'est tout. Ne pas imaginer d'arrangements, ne pas analyser les harmonies, simplement écrire.
Ce voyage va me faire du bien. Je travaille presque tout le temps. Je suis au bureau de jour pour mes activités web, au bureau le soir pour le travail graphique et web pour la chanteuse, et la nuit ou ce qu'il reste comme temps, j'écris. En même temps, c'est très gratifiant. J'ai toujours voulu faire, alors là, vraiment, je fais. Et la création, l'écriture de textes, tout écrivain, tout auteur vous le dira, ça prend 110% du temps.
Voir du monde qui m'aime va aussi me faire du bien. Ma famille est loin et je n'ai pas assez de temps pour voir mes amis. C'est une route bien solitaire que la mienne en ce moment. Je le dis dans une de mes nouvelles chansons. D'ailleurs, tenez-vous le pour dit, tout ce que je raconte dans mes chansons est vrai. Pas toujours vrai maintenant mais vrai à un moment donné. Et bon, que ce soit vraiment vrai ou presque, je dois le vivre pour le dire.
Qu'on le veuille ou non, et même si je vis à Montréal depuis trente ans, quand je vais à Paris, je rentre chez moi. Je crois que tous les immigrés volontaires pensent ainsi. Arrivée à Paris, il fait gris. Je me faufile dans la rue où il y a un de ces marchés ambulants. Typique et touristique mais pas toujours bienvenu. Valise contre caddies. Décalage et étalage de poissons. Diesel et fromages. Je vais me coucher. J'ai gardé contact avec quelques amis ici que j'appelerai demain. La plupart ont quitté pour les montagnes ou autres pays plus accueillants, mais certains sont restés, les indéracinables. J'ai de longues amitiés. Mon amie d'enfance, ma soeur de coeur, on s'est connu à quatorze ans, elle est dans ses montagnes maintenant. J'ai quelques ami(e)s à Paris qui m'ont connue quand j'entrais dans la vingtaine. Tous témoins d'une autre existence, témoins tout court, allez. Promesses d'amitiés renouvelées, jamais menacées, mutuelle affection et grands rires. La suite des aventures de moi. Des fois je me demande s'ils ne me voient pas un peu comme un personnage de bédé... Alors c'est quoi le nouveau chapître, retour à chanson? C'est super! Raconte...
Que ce soit vraiment vrai ou presque, je dois le vivre pour le dire. Ça fait partie de ce que j'appelle la mise en condition nécéssaire avant même de penser écrire quoi que ce soit. Mon frère lance son dernier bouquin « Au pays des kangourous » ce soir. Nous sommes assises dans cette salle du Quartier Latin où a lieu l'événement, maman pas peu fière dans son beau manteau, et moi, également fière, à ses côtés. Et il dit, en réponse à une question de journaliste : « quand on parle par la bouche d'un enfant, on doit être cet enfant » Exactement. Petite réception ensuite, moi au milieu d'une bonne trentaine d'écrivains, je nage en eaux connues et combien agréables, mon frère aussi, on parle, on échange des idées, des techniques, on monte des théories, et ma mère nous regarde évoluer avec un petit sourire en coin et me dit soudain : « Comme vous êtes mondains, quand même, tous les deux! » et bien oui maman, c'est bien possible, mon frère et moi, nous aimons le monde, comme on dit.
Je suis depuis toujours sur un océan mouvementé. C'est la vie que j'ai décidé de vivre. Et depuis toujours je fluctue, sans trop mergiturer s'entend. C'est pour cela qu'il est difficile de prévoir sur quelle plage je m'echouerai cette fois-ci, et qu'il est difficile pour mes amis de me suivre la plupart du temps. Mais qu'est-ce que c'est beau ce que je vois de ma barque! C'est pour cela que j'écris. Je ne peux décemment pas garder tout cela pour moi. Vraiment je vous dis, ce n'est pas navigable tous les jours, mais ça vaut cent fois la peine. Les couleurs, le vert, le bleu et le gris indissociables, le sel et l'eau, les ressacs et les promesses de liberté à l'infini.