Les trois questions
Dernièrement, je me retrouve avec plus de questions que de réponses. Les réponses n'ayant pas de rapport avec les questions, il sera clair que je vogue aux instruments, dans un brouillard dense. Une de ces questions est la suivante : qui suis-je? Une chanteuse? Non vraiment, je ne pense pas. Ou alors oui, mais pas que ça. Une musicienne? Une graphiste ou une programmeuse? ... Je ne me reconnais toujours pas. Dans mon sens, dans mon sentiment intime, je suis une petite fille, seule, dans sa chambre avec ses jouets. Mes jouets coûtent plus cher maintenant, c'est tout.
Qui suis-je...? Oui, d'accord, pas très original. Elle est tellement banalisée, cette question, qu'on n'ose même plus se la poser, et c'est dommage. Pour essayer d'y répondre, je vais y aller par les quatre et quelques chemins que j'ai pris pour arriver ici et maintenant. C'est ma cause, ma faute et ma grâce.
Quand je dis ceci, je pense à ce tableau de Dali qui m'avait tant impressionnée. Être impressionnée par un un impressionniste c'est la moindre des choses. Il présentait une perspective avec point de fuite, standard, sauf que la perspective comparait la distance et le temps dans une même direction. Les objets et les gens les plus proches étaient plus neufs ou plus jeunes et devenaient plus vieux en s'éloignant. Tellement d'harmoniques possibles, tant d'associations, de vérités, toutes les qualités d'une œuvre d'art majeure.
Je ne l'ai pas retrouvée dans mes livres alors j'ai choisi, pour illustrer cette lettre, España, une toile de 1938, entre la guerre d'Espagne et la 2e guerre mondiale.
Autant de vérités que de futurs possibles.
D'où je viens? Mes grands-parents maternels travaillaient comme domestiques pour une famille italienne établie en France, à Senlis, dans l'Oise. Pendant la guerre, ma mère et ses parents était en zone libre, ils avaient des œufs, du lait, les produits de la ferme. Ma grand-mère paternelle était en zone occupée, mon grand-père paternel, on ne sait pas trop et mon père mangeait des racines. Les familles françaises ont été désunies et partagées en deux zones, l'une occupée, l'autre libre, et une immense tranchée au milieu. Ma génération n'a pas connu les horreurs de la guerre, mais elle a été élevée avec son ombre géante.
Ma mère m'a appris bien des choses. Écrire, lire, compter. Mon père m'a appris à être libre, si je résume. On n'a jamais vraiment parlé de ce passé, cependant. J'ai appris très jeune que toute vérité n'est pas bonne à dire, et qu'il y a des questions que l'on ne pose pas. Si on est curieux, on doit alors avoir la patience d'attendre qu'on nous demande d'écouter. Et si ça ne vient pas, tant pis. On ne doit certainement pas assouvir notre curiosité aux dépend du bien-être des êtres aimés.
Je me sentais alors tellement différente, tellement pas à ma place qu'à la première occasion, je suis partie. Et pourtant, maintenant, je sais que je viens de là-bas. Je viens d'eux. Mais, je ne sais toujours pas qui je suis. On est la somme de nos choix, oui, facile à dire et à comprendre. Tellement logique que probablement faux. La vie est tout sauf logique.
Qu'est-ce que j'aime par-dessus tout? Je veux dire plus qu'être heureuse, plus qu'aimer et plus que la tarte aux poires, si c'est possible? J'aime apprendre. Bon, voici une affirmation. Voici une piste? Et pourquoi est-ce que je n'apprends pas tout le temps? Parce que pour apprendre, il faut comprendre, il faut prendre le temps de se poser des questions et tenter d'y répondre avec toutes les vérités de tous les futurs possibles. Et où vais-je avec tout ça? On verra bien! Ce n'est pas tant où l'on va qui importe, que par quel chemin on passe, je pense.
Je vous laisse sur un lien. Une toile de Dali disparue pendant la 2e guerre mondiale réapparait à Montréal ce mois-ci. Consultez ce lien :
La verità : Dali comme vous ne l'avez jamais vu