Poète... vos papiers!
ou comment mériter sa nationalité (suite et fin)
À 11 h du matin, j'arrive dans un bureau, j'explique mon cas. « Non, je n'ai pas réussi par Internet! », dis-je. La préposée n'a pas l'air étonné, puis elle me dit, après consultation de quelques documents sur son ordi : « Nous n'avons plus de rendez-vous. Dommage! Vous seriez venue plus tôt ce matin, on en avait encore... » C'est merveilleux de voir comment à cet étage de l’immeuble du centre-ville de Montréal, il y a cet espace où l'on n'est définitivement plus au Québec, mais bien en France. Je marque une pause puis je dis :
G. « Bien. Alors on fait comment?
C. — Vous pouvez prendre rendez-vous via notre site internet
G. — Ça ne fonctionne pas.
C. — Je ne sais pas quoi vous dire
G. — vous aurez des rendez-vous quand?
C. — Je ne sais pas, ça dépend...
G. — Vous vous rendez compte que notre conversation est un peu surréaliste?
C. — ...
G. — (sourire)
C. — Écoutez, laissez-moi vos coordonnées téléphoniques, on vous appellera quand il y aura un rendez-vous disponible, ça vous va? »
Elle griffonne mon numéro sur le coin d'une feuille de papier, je salue et rentre chez moi, un peu dépitée. « On vous appellera... » Ce n'est pas la première fois que j'entends cette promesse vide. Quelle n'est pas ma surprise : trois jours plus tard, je reçois un coup de fil. Bon, excellent. Prise de rendez-vous faite : vendredi prochain à 11 heures du matin.
J'y suis donc le vendredi : prise de photo, d'empreintes digitales, remplissage de formulaires et paiement. Vais-je avoir mon passeport? Non, ce serait trop simple. Il faudra prendre rendez-vous à nouveau! Je tiens à mentionner ici que tout ce beau monde, au Consulat, était néanmoins très sympathique! J'arrive à négocier qu'on m'appelle en personne plutôt que via leur site web.
C. « Oui, il faudra revenir pour reprendre les empreintes digitales (je ne demande même pas pourquoi) ... ça peut prendre trois semaines avant d'avoir un rendez-vous. »
Là, je sais où je suis, c'est pas la première fois que j'échange avec quelqu'un au Consulat, je sais que tout est négotiable, on n'est pas au Québec ici, on est en France :
G. « C'est le mieux que vous pouvez faire, trois semaines?
C. — Attendez un petit instant ... (consulte des choses sur son ordi)... on peut peut-être.. non... (en consulte d'autres) oui, je pourrais vous proposer 7 à 10 jours ouvrables!
G. — Excellent, merci bien! »
Une semaine plus tard, je suis retourné chercher mon passeport! C'est rendu que le portier me reconnaît et me salue avec un sourire maintenant. Il a fallu que je me prépare bien pour être à l'heure à ce dernier rendez-vous, parce que pour récupérer les passeports, c'est seulement l'après-midi. Comme c'est un vendredi, les heures d’ouverture sont encore moins flexibles (entre 14 h et 15 h 30)!
Vendredi, c'est fait, je suis Française à nouveau. Reste à régler le dossier de mon autre nationalité : la canadienne, vu que je me suis fait voler ma carte de citoyenneté et que ce ne sera pas simple non plus. Là, il n’y a carrément pas d'adresse! J'y pense, pendant les quelque trois semaines que ce renouvellement a pris, je n'avais plus aucune preuve de citoyenneté, quelle qu’elle soit. Pourtant, j'existais bien, mais je ne pouvais juste pas le prouver.
